La refonte d’un site web est toujours un exercice périlleux. Pourtant, il y a des situations où la refonte devient incontournable : vous souhaitez faire évoluer votre positionnement, intégrer des fonctionnalités que votre éditeur actuel ne permet pas d’installer, changer complètement le design du site pour l’adapter à votre nouvelle identité visuelle, etc.
Trois questions reviennent sans arrêt de la part des professionnels :
- Est-ce qu’une refonte complète du site est nécessaire ?
- Est-ce que c’est le bon timing ?
- Comment faire pour réussir la refonte et limiter les risques (de perte de trafic, de perte de clients…) ?
Dans cet article, nous allons nous focaliser sur la dernière question. C’est la plupart du temps un manque de rigueur dans la démarche et de méthode dans le process qui conduisent à l’échec d’une refonte. S’il y a une chose à garder à l’esprit, c’est que l’intuition est bien souvent mauvaise conseillère…
Pourquoi vous ne devez pas vous fier à votre intuition pour la refonte de votre site web
Pour mieux faire comprendre notre propos, faisons un petit détour. Tout le monde sait que fumer n’est pas bon pour la santé. Même les fumeurs les plus invétérés. Dans l’Union européenne, 700 000 personnes meurent chaque année des conséquences tu tabagisme. Ce qui correspond pratiquement à la taille d’une ville comme Marseille.
C’est un certain John Dalli, commissaire européen entre 2010 et 2012, qui a eu le premier l’idée d’afficher ces images plutôt glauques que l’on voit aujourd’hui sur tous les paquets de cigarettes. L’idée était de développer auprès des fumeurs une réelle prise de conscience des effets catastrophiques du tabac sur la santé. C’est sûr que lorsque l’on voit ces images, on se demande comment les gens peuvent continuer de fumer…Cette idée de l’ancien commissaire européen se fondait sur un sentiment, sur une intuition : celle du pouvoir des images sur les comportements. Sauf qu’il s’est avéré que son intuition était fausse : ces photos terribles n’ont pas permis de réduire la consommation de tabac. Au contraire, sa consommation, depuis, a continué de progresser.
Vous me direz : quel rapport avec la refonte d’un site web ? Eh bien, la plupart des personnes qui travaillent sur la refonte de site web font la même erreur que John Dalli : ils font trop confiance à leur intuition. Prenons par exemple le cas de la refonte du site de Marks & Spencers.
Les personnes qui ont piloté cette refonte étaient persuadés de l’impact positif – en termes de ventes – qu’elle aurait. Ils se sont lourdement trompés. Le passage de l’ancienne version du site (à gauche) à la nouvelle version (à droite) s’est traduit par une chute de 8% des ventes. Ce qui, pour une entreprise comme M&S, représente tout de même une perte de 55 millions de livres sterling en six mois. Sans compter les centaines de milliers de livres investies dans la refonte elle-même.
Vous hésitez entre une refonte totale de votre site ou une amélioration du site existant ? Découvrez l’article complet que nous avons rédigé sur ce sujet : « Refonte ou amélioration continue du site internet ?« .
Peut-être que vous pensez qu’il s’agit d’un cas très particulier et que vous êtes à l’abri de ce genre de catastrophe industrielle. Si c’est votre sentiment, il y a des chances que vous vous trompiez. Les exemples comme ceux de M&S pourraient être multipliés. Prenons par exemple le cas de la refonte du site Comparis, un comparateur en ligne suisse.
L’entreprise, par cette refonte d’un site WordPress, voulait moderniser le design du site. Ils se sont basés, pour réaliser ce projet, sur les données comportementales des utilisateurs du site. Résultat : le taux de conversion du site a chuté de plus de 10%. Comment éviter ces ratés – toujours très coûteux ? En mettant de côté l’intuition et en adoptant une vraie stratégie de refonte. Nous vous proposons une stratégie en 4 étapes pour réussir la refonte de votre site web.
Étape #1 : étudier le comportement, les besoins et les motivations des visiteurs de votre site web
La première étape du process de refonte d’un site web consiste à analyser de manière approfondie les comportements, besoins et motivations des personnes qui utilisent votre site. A faire de l' »user research » comme disent les anglais.
Vous devez faire des recherches aussi bien quantitatives que qualitatives. En clair, vous devez analyser le comportement des visiteurs de votre site web (études quantitatives) et chercher à bien comprendre les motivations de vos internautes (études qualitatives). Si votre site doit proposer une expérience utilisateur optimale, il doit aussi répondre aux besoins et aux motivations des internautes. Il ne suffit pas de répondre à la question « comment améliorer le parcours d’achat sur mon site ». Vous devez aussi vous demander à la question du pourquoi.
Voici un exemple de refonte de site web qui illustre l’importance d’étudier aussi bien les motivations que les comportements des utilisateurs :
Il s’agit d’un site de voyage. Les gérants du site voulaient moderniser leur site, en revoyant complètement le design. Ils ont eu l’intuition qu’il fallait mettre en place un design plus émotionnel, plus attirant, plus à même de communiquer l’esprit des vacances et du voyage.
L’illustration ci-dessus montre les différentes ères du cerveau et leur réaction aux différents stimuli sensoriels. Ces cartes ont été réalisées dans le cadre du projet de refonte du site, pour mieux comprendre l’impact émotionnel et psychologique du site sur ses utilisateurs. L’ancienne version du site, visiblement, ne parvenait pas à stimuler les zones du cerveau associées à la curiosité et au rêve. Sur ce point, la nouvelle version du site apparaît beaucoup plus performante. Interrogés, les utilisateurs du site ont reconnu que la nouvelle version leur faisait plus facilement penser à l’esprit des vacances. Sur ce point, l’intuition a clairement été bonne conseillère. Seulement, la nouvelle version du site, à un autre niveau, s’est révélée beaucoup moins efficace que l’ancienne…
La zone associée à la « fonctionnalité » est très stimulée dans l’ancienne version du site, et complètement éteinte dans la nouvelle version. En clair, le nouveau site est beaucoup plus séduisant, mais les utilisateurs de cette nouvelle version ne savent plus comment faire une réservation. Ce qui pose de sérieux problèmes dans une optique de conversion.
Dans la perspective d’une refonte, vous ne devez pas simplement identifier ce qui ne fonctionne pas sur votre site actuel. Vous devez aussi identifier ce qui fonctionne très bien et qui devra être reproduit sur la nouvelle version. Vous ne devez pas seulement changer ce qui ne fonctionne pas, mais aussi conserver ce qui fonctionne.
Pour aller plus loin, découvrez nos 5 conseils pour optimiser la refonte de votre site internet.
Étape #2 : créer un prototype du nouveau site web
Dans un deuxième temps, vous devez construire le prototype de votre nouveau site web, définir les grandes lignes de sa structure, de son ergonomie et de son design.
Dans la conception de votre nouveau site, vous devez toujours garder à l’esprit les enseignements de vos recherches sur le comportement et les motivations de vos utilisateurs et les prendre en compte. Chaque élément issu de vos recherches devra être intégré sur votre nouveau site, d’une manière ou d’une autre.
Nous vous conseillons par exemple de lister, sur deux colonnes :
- Tous les éléments qui ne sont pas présents sur l’ancien site et que vous aimeriez intégrer sur le nouveau.
- Tous les éléments qui fonctionnent très bien sur le site de départ et que vous aimeriez conserver/reproduire sur le nouveau site.
Pour cette étape, vous ne devez pas seulement vous focaliser sur le design. Une erreur fréquente consiste justement à penser la refonte d’un site web uniquement sous l’angle du design, de la charte graphique. Après tout, « refonte » se traduit en anglais par « redesign ». En vérité, la refonte d’un site web concerne beaucoup d’autres aspects liés notamment au choix des informations à faire figurer sur le site, à la réassurance. Bref, la refonte d’un site web ne consiste pas seulement à changer la forme (le design), mais aussi le contenu.
Une refonte mal menée peut entraîner d’importantes pertes de positions SEO – et donc de trafic. Découvrez comment conserver ses positions SEO lors de la refonte d’un site internet.
Sur un site comme Görtz par exemple, l' »user research » nous a permis de mettre en évidence l’importance des informations relatives aux produits. Mais quelle type d’informations mettre en avant : celles relatives aux modes de paiement, aux options de livraison, aux bénéfices du produit ? Des tests ont été réalisés pour répondre à cette question. Il est rapidement apparu que c’était les informations concernant les bénéfices des produits qui avaient le plus d’impact et qui devaient par conséquent apparaître clairement sur les pages produits.
Étape #3 : lister vos choix et vos hypothèses en vue d’un testing
Maintenant que vous avez créé un prototype de votre futur site, sur la base de votre user research, vous devez regrouper l’ensemble des changements apportés sur la nouvelle version en vue d’un testing.
Vous ne pourrez pas tout tester. Vous devez donc commencer par définir les éléments à tester, c’est-à-dire les choix et hypothèses retenus qui sont sensés avoir un impact important sur la conversion. Vous pourrez ensuite confronter vos hypothèses à la réalité.
Nous vous conseillons de créer un document Excel listant tous les changements majeurs que vous souhaitez intégrer sur votre site. Ce n’est pas forcément très sexy, mais ça marche ! Chacun des changements pourra ensuite être traité comme une hypothèse à tester.
Il est conseillé de regrouper ensemble les hypothèses semblables, afin de pouvoir les tester ensemble dans le cadre d’un même A/B Test. Cela vous fera gagner du temps. Nous vous recommandons aussi de prioriser les hypothèses sur lesquelles vous avez le plus de doute : par exemple l’ajout d’un menu hamburger en haut à gauche des pages de votre site. Les hypothèses les moins certaines sont d’ailleurs souvent celles qui naissent d’une intuition. Ce qui ramène à notre propos initial : ne vous fiez pas aux intuitions, et testez toutes vos hypothèses en faisant des A/B Tests auprès de vos visiteurs.
Étape #4 : Construire, Mesurer, Apprendre
Maintenant que vous avez identifié et priorisé tous les changements, vient la dernière étape – celle du testing.
Vous savez déjà surement en quoi consiste un A/B Test : vous créez plusieurs variantes d’une même page, et vous testez ces différentes variantes en analysant leur performance respective (en termes de taux de clics, de conversion, etc.) auprès de plusieurs échantillons de visiteurs. En général, il n’y a qu’un seul élément qui change d’une variante à l’autre : par exemple, l’emplacement ou la couleur du bouton « Ajouter au panier ». Mais nous vous avons conseillé tout à l’heure de regrouper les hypothèses semblables, afin de réduire le nombre d’A/B tests. Dans ce cas, la variation porte sur plusieurs changements.
Les A/B tests vous permettront de tester et de valider les hypothèses que vous avez listées à l’étape précédente. Nous insistons sur l’importance de tester le nouveau prototype de votre site web avant même son déploiement. Même si les hypothèses que vous avez définies l’ont été sur la base d’une user research menée avec méthode, elles ne peuvent être validées que par l’expérimentation. C’est d’ailleurs faute de suivre cette dernière étape que certaines refontes échouent.
Si un test échoue (par exemple, s’il apparaît que choisir la couleur orange pour tel bouton fait baisser le taux de clic), vous devez chercher à comprendre les raisons de cet échec en analysant vos données. Cela vous permettra ensuite d’ajuster les variations et de procéder à d’autres itérations. Si votre hypothèse a un impact positif sur le taux de conversion, vous savez ce qu’il vous reste à faire : implémenter le changement sur la nouvelle version du site. Si l’impact est neutre, intégrer le changement sur le site n’aura aucune incidence sur la conversion de votre site. Vous pouvez décider de la déployer ou bien essayer de revoir votre hypothèse pour obtenir un impact positif.
Pour conclure, nous aimerions préciser quelque chose concernant l’argument au centre de cet article : la méfiance vis-à-vis des intuitions quand il est question d’une refonte de son site web. Nous avons tous des intuitions, et certaines peuvent s’avérer très justes. Sauf que les intuitions sont parfois à côté de la plaque. La réalité est parfois contre intuitive. L’idée, ce n’est donc pas pas forcément de rejeter tout ce qui relève de l’intuition, mais de tester systématiquement les intuitions que l’on a.
Adopter une démarche comme celle que nous vous proposons, qui consiste à se baser sur le comportement et les motivations des visiteurs, mais aussi sur des testings, vous permettra de réduire considérablement le risque d’échec de la refonte de votre site web. Nous vous conseillons, pour aller plus loin, la lecture de cet article, qui présente notamment plusieurs études de cas détaillées de refontes réalisées par l’agence Anthedesign.
Si le sujet de la refonte de site web vous intéresse, je vous invite fortement à parcourir ces articles :
Webbax a écrit
le :
Bonjour,
Ce qui est mentionné au travers de cet article est intéressant, ce qui est dommage surtout c’est que bien souvent se sont les entreprises avec des moyens solides qui peuvent prendre le temps de se poser les bonnes questions. Encore trop souvent, il faut faire dans la précipitation pour ne pas être en retard / technologiquement et sur des budgets toujours plus légers (côté client).
La migration progressive d’interface façon « Amazon » peut-être un début de solution, mais certes tout le monde n’est pas « Amazon » non plus, mais j’aime cette manière progressive de faire l’évolution d’interface pour ne pas brusquer les visiteurs.
A bientôt !
Xavier a écrit
le :
Oui, c’est vrai surtout qu’on peut aussi prendre exemple sur des grands pour améliorer la navigation ou le processus d’achat.
Comme le tunnel de commande « très fermé » de chez Amazon qui est assez intéressant 🙂
Après, ici on utilise Hotjar une fois le site mis en ligne (ou après une refonte) pour se faire une idée de l’expérience utilisateur. C’est très parlant, on peut très vite se poser des questions et mettre en place des améliorations.