La publicité programmatique, nouvel eldorado des annonceurs ? De fait, cette technique d’automatisation des transactions d’espaces publicitaires entre éditeurs et annonceurs chamboule (révolutionne ?) depuis quelques années le secteur de la publicité sur internet…et les budgets marketing. Plusieurs milliards de dollars sont en jeu. Malgré cela, beaucoup de personnes n’ont encore jamais entendu parlé de ce concept, même si les articles sur le sujet se multiplient. Une des raisons réside dans la complexité du sujet. Pour démystifier les choses, voici un tour d’horizon à la fois complet et (on l’espère) digeste de cette nouvelle technique publicitaire.
Pourquoi vous devez vous intéresser à la publicité programmatique ?
La publicité programmatique a représenté la moitié des budgets de brand marketing en 2013. Selon certains experts, la proportion passera à 80% en 2017 et à plus de 90% d’ici 2020. Selon l’agence IPG MediaBrands, la publicité programmatique devrait représenter près de 33 milliards d’euros en 2019. Elle constitue d’ores et déjà près de 40% du display, qui lui-même représente, rappelons-le, environ un tiers de la publicité digitale (un marché toujours dominée par le search).
C’est en soi une réponse suffisante à la question énoncée dans le sous-titre. La publicité programmatique concerne d’ailleurs le marketing dans sa globalité, et pas seulement le marketing digital. Certains experts sont en effet déjà en train de tester les usages possibles de la publicité programmatique dans les canaux marketing traditionnels. Si l’on en croit certains – et pas des moins informés – c’est une révolution du marketing qui est en germe. Si le marketing vous concerne de près ou de loin dans le cadre de votre activité professionnelle, nous vous conseillons vivement de vous intéresser à cette tendance lourde et promise à un bel avenir. Alors, justement, qu’entend-on par publicité programmatique ? De quoi s’agit-il ? A quoi ça sert ?
La publicité programmatique et le RTB : définition
Quelque soit le domaine, le terme de « programmatique » renvoie toujours à quelque chose d’automatisé. Dans le contexte du marketing digital, la programmation désigne l’automatisation de l’achat et de la vente d’espaces publicitaires. La programmation a deux intérêts principaux. Elle permet d’abord, en automatisant une partie des transactions, d’aller beaucoup plus vite. Un gain de temps aussi bien pour les éditeurs que pour les annonceurs. Deuxièmement, la programmation, qui fait intervenir des algorithmes de plus en plus puissants, permet un meilleur ciblage des annonces.
Les publicités en ligne peuvent avoir pour contenu des images, des vidéos, des messages audios. La bannière publicitaire est sans aucun doute le format le plus répandu sur internet :
Plutôt que de publicité programmatique, on parle parfois d' »achats programmatiques », d' »affichage programmatique » (Programmatic Display) ou encore de « marketing programmatique ». Tous ces termes renvoient à la même chose.
Pour bien comprendre la publicité programmatique et ce qu’elle apporte de nouveau, il est intéressant de se rappeler comment fonctionnait le monde de la publicité digitale avant son arrivée.
Comment faisait-on avant la publicité programmatique ?
Avant la publicité programmatique, comment une entreprise faisait pour afficher des publicités ciblées sur internet ? Mettons que vous étiez un producteur de voitures, Renault par exemple, et que vous souhaitiez diffuser une publicité promouvant votre dernier modèle de voiture familiale écologique. Vous commenciez par définir un persona (un groupe cible), par exemple : des familles sensibilisées à la thématique écologique.
En fonction de ce groupe cible, vous définissiez une série de critères. Par exemple : des personnes ayant acheté un panneau solaire en ligne et visité un site de concessionnaire automobile récemment. Une fois ces critères définis, vous alliez à la rencontre d’une agence marketing en mesure d’identifier les sites internet (les éditeurs) pertinents pour l’affichage de la publicité. Plusieurs semaines plus tard, après plusieurs échanges téléphoniques, un contrat était enfin signé entre vous et le marketeur. Bref, le processus était très lent et en grande partie inefficace (en ce qui concerne le ciblage).
Quand est-ce qu’est né la publicité programmatique ?
Comme nous le verrons, l’objectif de la publicité programmatique est d’abord d’améliorer le ciblage et de le rendre plus facile à réaliser (et donc moins coûteux). Avant d’entrer dans les détails, revenons un bref instant sur l’historique de la publicité programmatique. L’automatisation marketing n’est pas née du jour au lendemain. Elle est apparue à la suite d’un processus s’étalant sur presque deux décennies. Il n’y a donc pas de date de naissance unique, mais plutôt une série de dates clés. Voici les principales :
- 1994 : lancement de la première publicité digitale.
- 1996 : naissance du premier réseau publicitaire, c’est-à-dire du premier groupe de médias agglomérant plusieurs éditeurs différents et capable de répondre aux demandes de ciblage des annonceurs.
- 2000 : lancement d’Adwords par Google.
- 2005 : lancement du premier « ad exchange », c’est-à-dire de la première plateforme automatisée de vente et d’achat d’espaces publicitaires en ligne.
- 2007 : naissance de la première demand-side platform (DSP), permettant aux marketeurs/annonceurs de gérer plusieurs ad exchanges depuis une interface unique.
- 2007 : naissance de la première supply-side platform (SSP), qui fonctionne de la même manière qu’une DSP, mais à destination des éditeurs.
- 2011 : diffusion du RTB, qui reste aujourd’hui la technique de publicité programmatique la plus répandue.
Les bannières publicitaires ne sont pas l’alpha et l’oméga de la publicité sur internet. Il existe d’autres types d’espaces, les liens dans les moteurs de recherche notamment. Découvrez comment créer votre première campagne AdWords et diffuser vos annonces sur Google.
Le lexique à connaître pour comprendre la publicité programmatique
L’une des difficultés de compréhension de ce qu’est la publicité programmatique provient en partie du fait qu’elle suppose l’assimilation de certains termes techniques. Avant d’aller plus loin, prenons le temps de définir les principaux termes en jeu :
- L’inventaire publicitaire (Ad Inventory) : désigne pour un éditeur donné l’ensemble des espaces publicitaires disponibles à la vente. L’inventaire liste l’emplacement des différents espaces publicitaires, leur forme et leurs dimensions.
- L’impression, qui mesure le nombre de fois qu’une publicité est vue, qu’elle soit cliquée ou non. 100 impressions signifie que la publicité s’est affichée 100 fois sur un écran (ce qui ne veut pas forcément dire sur 100 écrans différents).
- DSP, pour Demand Side Platform. On l’a vu, une DSP est une plateforme qui permet à un annonceur / un marketeur de cibler ses campagnes et de centraliser ses opérations d’achats publicitaires. A la base, les DSP avaient l’habitude d’être gérée par des Ad Networks (voir plus bas). C’est de moins en moins le cas.
- SSP, pour Supply Side Plateform. Il s’agit d’une plateforme automatisée destinée aux éditeurs ou à toute personne louant des espaces publicitaires. Pour un éditeur, une SSP lui permet de vendre ses espaces publicitaires au plus offrant.
- Ad Networks : définit un réseau de médias qui met en relation les acheteurs et les vendeurs d’espaces publicitaires. Les problèmes de transparence rencontrés sur ces réseaux a contribué à réduire leur utilisation. Avec l’essor de la publicité programmatique, d’autres acteurs sont apparus,, même s’il existe toujours des Ad Networks en activité.
Il s’agit de définitions relativement sommaires, qui en tous cas ne rentrent pas dans la technique. Dans la pratique, le fonctionnement des DSP et des SSP est assez complexe.
Comment fonctionne concrètement la publicité programmatique
Reprenons l’exemple précédent. Vous êtes toujours Renault, mais désormais la publicité programmatique est née. Le process va donc être différent. Vous allez toujours contacter une agence (sauf si vous avez une équipe marketing en interne capable de faire le travail à sa place), mais cette fois-ci le marketeur en face de vous va utiliser une DSP afin de fixer les paramètres et le budget de votre campagne publicitaire. C’est le DSP qui fera ensuite le travail, en faisant automatiquement et en temps réel des offres d’achat d’espaces publicitaires ou d’impressions. Pour cela, le DSP se connecte à un Ad Exchange, qui de son côté est connecté à différentes SSP. Les SSP regroupent chacun de milliers d’inventaires publicitaires et donc d’espaces publicitaires qui n’attendent qu’une chose : être achetés. Parmi ces SSP et les inventaires rattachés, le DSP va choisir les espaces qui correspondent le mieux à la demande du marketeur qui a en charge la gestion de votre campagne. Une fois l’espace choisi, la publicité s’affiche automatiquement et instantanément à l’utilisateur derrière son écran. Les transactions sont automatisées. En résumé, la publicité arrive à l’utilisateur par l’intermédiaire d’un processus automatisé qui fait intervenir une DSP, un Ad Exchange et des SSP. Et bien sûr des algorithmes, conçus pour répondre au mieux aux exigences de ciblage de l’annonceur ! On peut résumer ce processus au moyen d’un petit schéma :
Il s’agit bien entendu d’un schéma simplifié qui permet de comprendre facilement le processus. Dans la réalité, les choses sont (comme toujours) un peu plus complexes et ressemblent plutôt à ça :
Inutile de préciser que ces flux s’effectuent à la vitesse de la lumière. Entre le moment où le marketeur valide les paramètres sur la DSP et le moment où la publicité s’affiche à l’utilisateur, il ne se passe que quelques secondes.
Les différentes formes de publicité programmatique
Il est possible de distinguer trois types de publicité programmatique, trois formes de programmation : la programmation RTB, la programmation directe et l’échange privé.
Zoom sur la programmation RTB
On parle aussi parfois d’enchères ouvertes (open auctions). Pour beaucoup de marketeurs, le RTB est le véritable eldorado des enchères publicitaires. C’est en tous cas cette forme de publicité programmatique qui s’est diffusée le plus ces dernières années et qui domine encore le marché. RTB est une abréviation pour « Real Time Bidding », que l’on pourrait traduire par « offres en temps réel ». Le principe du RTB est similaire à celui des salles de marché boursiers. Son fonctionnement est très similaire à Google AdWords, à la seule différence que l’on ne cible pas ici des requêtes, mais des espaces publicitaires. Les enchères RTB se déroulent la plupart du temps sur une plateforme d’Ad Exchange, c’est-à-dire une place de marché.
Pour bien comprendre le RTB, il faut distinguer deux perspectives, deux points de vue. Celui de l’éditeur, qui dispose d’espaces publicitaires à vendre, et celui de l’annonceur. Si vous êtes l’éditeur, vous allez autoriser n’importe quel acheteur à participer aux enchères en temps réel. Il n’y a pas de sélection. Le RTB est intéressant si vous disposez d’un gros volume d’espaces publicitaires sur vos sites, et notamment des espaces offrant une faible audience. Le RTB est une sorte de braderie (le terme est un peu exagéré), qui permet d’écouler des espaces qui n’ont pas trouvé preneur via d’autres techniques de publicité programmatique (voir plus bas).
Du point de vue de l’éditeur, le RTB est la forme la moins rémunératrice de publicité programmatique. L’éditeur sait d’ailleurs rarement qui sont les acheteurs et ses marges de contrôle sont assez limitées. Il peut seulement jouer sur les prix plancher et définir une liste d’annonceurs indésirables. Ensuite, le choix des annonceurs s’effectue suivant un processus entièrement automatisé. Attention, le le RTB n’est pas uniquement utilisé pour vendre des espaces publicitaires de faible valeur à prix discount. Des espaces de haute qualité sont régulièrement vendus en RTB.
Maintenant, si vous êtes l’annonceur, le RTB vous permet d’acheter à n’importe quel éditeur désireux de vendre des impressions ou espaces publicitaires via un ad exchange. L’avantage du RTB pour l’annonceur est évident, c’est le prix. Le RTB permet d’acheter des espaces publicitaires à prix discount. L’inconvénient, c’est que les annonceurs ne savent pas à qui ils achètent. Le trop grand nombre de transactions empêche leur traçabilité.
Il est déjà arrivé que des éditeurs vendent des espaces publicitaires qui n’existaient pas, jouant sur le manque de transparence consubstantiel au RTB. Ces fraudes ont atteint l’image du RTB et conduit au développement de la programmation directe. Malgré tout, les choses évoluent et les fraudes sont de moins en fréquentes du fait de l’évolution des plateformes et de leur politique de qualité.
Zoom sur la programmation directe
On parle aussi parfois de publicité « premium », ou de publicité « réservée ». La programmation directe est apparue au début des années 2010, vers 2011, à un moment de forte croissance du RTB. C’est avant tout la réticence de certains annonceurs vis-à-vis du RTB qui a conduit au développement de cette nouvelle forme de publicité programmatique. La programmation directe a vite été adoptée par des agences soucieuses d’offrir à leurs clients des espaces publicitaires de qualité. Est-ce à dire que la programmation directe est aux espaces publicitaires de qualité ce que le RTB est aux espaces low cost et low quality ? Les choses sont plus complexes. On a d’ailleurs rappelé à l’instant que des espaces publicitaires de qualité se vendaient via des plateformes d’Ad Exchange en RTB.
Le programmatique direct, qui malgré tout reste marginal sur le marché du marketing programmatique, se distingue du RTB du point de vue du fonctionnement. A la différence du RTB, les espaces publicitaires ne sont pas vendus impression par impression, mais par blocs au CPM. Les transactions s’effectuent, comme son nom l’indique, en direct. Autrement dit, les annonceurs / agences et les éditeurs sont directement mis en relation.
La grande différence entre RTB et programmation directe se situe moins au niveau de la qualité des espaces publicitaires vendus que du degré de transparence et de traçabilité. L’annonceur sait à quel(s) éditeur(s) il a à faire. Et réciproquement.
Zoom sur la vente aux enchères privées
Dans le cadre d’enchères privées, l’éditeur restreint la participation aux enchères à un groupe d’annonceurs sélectionnés par lui. L’éditeur choisit le type d’annonceurs avec lesquels il souhaite réaliser des transactions. Ces annonceurs, choisis sur la base de critères variés, sont ensuite mis en concurrence lors des sessions d’enchères. L’avantage pour l’éditeur, c’est le très fort degré de transparence et la possibilité de choisir les publicités qui seront affichées sur ses espaces publicitaires. Pour l’annonceur, l’intérêt est moins évident. Les prix plancher des espaces publicitaires sont en général plus élevés, et en tous cas toujours moins intéressants qu’en RTB.
On le voit, la publicité programmatique est un sujet complexe. Les processus d’automatisation peuvent prendre des très chemins très différents, plus ou moins transparents, plus ou moins traçables. De plus, les changements dans ce domaine sont très rapides car les acteurs, les outils et les algorithmes évoluent constamment. Ce qui ne facilite pas la compréhension de ce nouvel univers promis, sans nul doute, à un grand avenir. La publicité programmatique s’inscrit dans une évolution plus large du marketing -vers toujours plus de ciblage, de personnalisation – et dans une tendance technologique lourde, l’automatisation croissante des processus.